Spiritualité et religion – Ne pas confondre –


Être Maître maçon au RER

 

Il m’est apparu nécessaire d’aborder un sujet épineux qui concerne le RER, sujet qui n’est que très rarement mis à l’ordre du jour.

Il m’est arrivé maintes fois de remarquer que beaucoup d’excellents maçons, pourtant de notre rite, quel que soit leur grade, éprouvaient quelques difficultés, sinon réticences, à aborder les sujets qui concernent la spiritualité.

Il s’est avéré, le plus souvent, que cette défiance était due à une confusion entre ce qu’est réellement la spiritualité, et ce que prônent les religions.

Pour ajouter à ce trouble, il se trouve que certains FF., chrétiens pratiquants et convaincus, mélangent allégrement les genres et se croient parfois obligés, en conscience, de faire du prosélytisme.

 

Au R.E.R , nous n’avons pas pour vocation à faire de la religion. Il est, en effet, clairement stipulé qu’il est interdit de parler de religion en Loge. Il va de soi qu’il est également interdit de recommander, encore moins d’exiger, les pratiques spécifiques d’une religion, quelle qu’elle soit, combien même serait-elle chrétienne..

Néanmoins, notre engagement ne peut se concevoir sans spiritualité.

 

Quelle différence y a t’il entre religion et spiritualité ?

 

Spiritualité

 

La spiritualité, qui est la justification même de toutes les religions, a pour base la croyance en (j’insiste sur en), la croyance en un Principe transcendant que toutes les religions désignent par le vocable Dieu.

Je crois en… présente la caractéristique d’un postulat.

Comme tout postulat, celui-ci ne peut se vérifier que par des exercices pratiques. C’est pourquoi aucun Maître initié ne demandera de croire, mais de vérifier, de pratiquer.

Celui qui pratique la voie enseignée par un Maître, qu’il soit chrétien, bouddhiste, soufi, chaman, ou même animiste, en raison des expériences qu’immanquablement il a vécues, ou vivra, en arrive à ne plus dire je crois, mais je sais. Il sait qu’il sait. Combien même lui est-il difficile d’exprimer ce qu’il sait.

La voie initiatique du R.E.R. exige, elle aussi, la pratique. Il nous est demandé de pratiquer les vertus. Il est stipulé que la base de nos obligations est l’Évangile, c'est-à-dire l’enseignement dispensé par celui qui nous est recommandé comme Maître par excellence : rabbi Jésus que certains de ses disciples ont appelé un jour, à tord ou à raison, Christ.

 

Religions

 

Qui est Dieu ? Dès lors que l’on tente de répondre à cette question, on empiète sur le domaine réservé des religions. Nous ne sommes plus dans le domaine du « je crois en… », mais dans celui des « je crois que… ». Ce qui n’est pas du tout la même chose, en dépit de l’amalgame entretenu par la plupart des religions.

Contrairement à je crois en… qui est un postulat, je crois que… annonce une hypothèse.

Toute hypothèse, autrement dit toute croyance, pour nécessaire qu’elle soit, parce qu’elle ne peut s’exprimer que par « Je crois que », est par nature appelée un jour à être remise en question.

Croire que le soleil tourne autour de la terre a constitué une étape incontournable, nécessaire et utile, notamment pour les travaux agricoles, jusqu’au jour où chacun a su qu’il n’en était pas ainsi.

Il n’y a aucune hypothèse, aucun dogme, dans l’Évangile.

En revanche, chaque religion propose son « prêt à porter » de propositions hypothétiques, plurimillénaires,  auxquelles il ne fait pas bon s’opposer. Pour les chrétiens : la Sainte Trinité – le péché originel - Jésus fils unique de Dieu - le christianisme perfection du judaïsme - Jésus, par sa mort sur la croix, rédempteur des péchés des hommes - la résurrection, celle du christ, et la résurrection de chaque homme selon la chair - le paradis et l’enfer - le jugement dernier -  etc.  –

Auquel il y a lieu d’ajouter, pour les catholiques : la présence réelle du corps de Jésus dans l’eucharistie - la virginité de Marie mère de Dieu - son assomption - le culte aux Saints – l’infaillibilité papale …

Même si nombreux sont ceux qui sont prêts à mourir pour la plupart de ces affirmations, toutes ces allégations ne sont objectivement que des croyances.

Lorsque notre rituel stipule que les lois maçonniques interdisent expressément dans les Loges toutes discussions sur les matières de religion, c’est uniquement de ces matières là dont il s’agit. Ces croyances sont l’apanage des religions, pas de la spiritualité, encore moins de la spiritualité initiatique.

Il ne me semble pas inutile de souligner que l’athéisme est également une croyance.

La spiritualité initiatique ne demande pas de croire, mais de pratiquer, de chercher. Nous sommes des cherchants et, considérant les vertus, la bien-faisance, et l’hommage qui est dû à la Divinité, il nous est demandé de pratiquer, de persévérer.

Notre règle maçonnique stipule, en effet : « Ton premier hommage appartient à la Divinité ».

Divinité, comme on dit Humanité…Vaste programme…

L’initiation consiste à éveiller en l’homme sa part de Divinité. Afin qu’il soit en voie de devenir Homme. L’homme (avec un h minuscule) en voie de devenir Homme (avec un H majuscule).

Tel est le propre de tout cheminement initiatique.

Telle est notre conception de l’Humanisme.

 

Pour cela il faut des Maîtres, pas des professeurs.

Il y a une différence abyssale entre un maître et un professeur.

La mission du professeur est de faire évoluer l’Avoir, je dis bien Avoir, en l’occurrence culturel, de ses élèves.

Le Maître est celui qui fait évoluer l’Être.

J’aime à dire que dans le mot Maître, il y a le « M » de mouvement, moteur, mise en route, etc., et le phonème « être ».

Est Maître, celui qui, au sein d’un groupe particulier, est reconnu pour tel, en raison de son expérience personnelle et de sa capacité à faire évoluer l’autre.

Chaque apprenti, chaque compagnon, a pour vocation à devenir un maître, pas un professeur.

Un maître, contrairement à un professeur, est incapable d’enseigner ce qu’il n’a pas expérimenté ou vécu lui-même.

Nul ne peut imaginer que l’on puisse enseigner la pratique du violon sans faire la preuve de son savoir-faire. Il en va de même en sport, en apprentissage, en cuisine, etc…, et, bien entendu, en spiritualité.

Le Maître a conscience de ses limites. Il reconnaît, valorise, et recommande volontiers à son entourage un Maître plus avancé que lui dans sa spécialité.

Ce que chacun attend d’un Maître Maçon, c’est qu’il fasse partager, qu’il enrichisse de son approche personnelle, les FF. de la Loge.

Il n’est pas facile de parler de sa propre spiritualité, de dévoiler sa vie intérieure. Certains FF., surtout s’ils sont érudits, préfèrent nettement aborder la maçonnerie sous son aspect historique et philosophique.

Il est, en effet, beaucoup plus facile, pour un F. culturellement riche, de se comporter en professeur plutôt qu’en Maître.

La vocation des apprentis, des compagnons, comme celle des maîtres, est de progresser en maîtrise, pas en professorat.

        

Au sujet des religions

 

Chaque religion propose son propre cheminement vers la sainteté.

Il serait stupide de ne pas convenir que chaque religion produit de grands sages, de grands saints, de grands maîtres. Toutes les religions, en dépit de leurs croyances particulières sont infiniment respectables. C’est la raison pour laquelle doivent être respectés, dans leur intime conviction, les FF. pratiquants sincères d’une religion, quelle qu’elle soit.

Force est cependant de constater que les religions sont sources de divisions, souvent même de conflits, du fait de la tendance des fidèles à vouloir imposer leurs propres croyances en substitution de celles des autres, et réciproquement

 

S’agissant de la spiritualité

 

En revanche, les voies de la spiritualité sont les même pour tous, quelle que soit la religion.

En se cantonnant à la spiritualité, le R.E.R. se veut un facteur d’union, de fraternité, de respect entre tous les croyants, entre tous les cherchants.

Il n’est pas inutile de préciser que les agnostiques sont aussi des croyants. S’ils ont cette sagesse de s’abstenir de toute formulation concernant ce qui est inaccessible à l’entendement humain, ce n’est pas pour autant qu’ils se refusent à être cherchants.

L’enseignement contenu dans l’évangile est universel.

L’ensemble des textes évangéliques ne constitue pas une religion. L’évangile n’impose aucune théologie, aucun dogme. L’enseignement que contient l’évangile  trace une voie d’amour entre les hommes, une étique, une voie permettant à chaque homme ou femme de prendre en main son propre épanouissement en harmonie avec l’Amour divin.

 

Le R.E.R., pour être une voie de spiritualité, n’est pas, pour autant, une voie mystique. Il n’est pas inutile de rappeler que c’est seulement lorsqu’il touche la terre, lors du troisième voyage, que le V.M. déclare à la Loge que l’impétrant est enfin sur la bonne voie. C’est, en effet, en portant parmi les autres hommes les vertus dont il a promis de donner l’exemple que le Maçon accomplit sa mission.

L’enseignement contenu dans l’évangile est universel. Ni les bouddhistes, ni les soufis, ni le coran, ni un adepte du druidisme ne contredisent cela.

Cet enseignement est purement initiatique. Voilà pourquoi il est la base de nos obligations.

Respectons la règle : les lois maçonniques interdisent expressément dans les Loges toutes discussions sur les matières de religion.

Ni l’Évangile, ni l’étique, ni la spiritualité qui découlent de l’enseignement qu’il contient, ne sont concernés par cette interdiction.

 

André V.

 

 

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